Enseigner en Afrique centrale – témoignage
Mon parcours professionnel m’a amené à enseigner en Afrique centrale (Congo-Brazzaville, puis Libreville, au Gabon) pendant 10 ans., entre 2010 et 2020, sous le statut d’expatrié. Cette expérience me permet de partager les considérations suivantes, afin qu’elles éclairent les collègues désireux de postuler dans cette zone. J’évoquerai d’abord la vie quotidienne, avant de développer des aspects plus professionnels.
Une des premières observations que l’on fait en arrivant dans cette zone est liée au climat équatorial. La touffeur pèse au quotidien, du mois d’octobre au mois de mai. Il s’agit d’une chaleur humide à laquelle il est quasiment impossible d’échapper sans climatisation. Des pluies orageuses très fortes inondent régulièrement les rues, sans rafraîchir l’atmosphère. A la saison sèche – de mai à septembre – la température baisse, sous un ciel bas et gris. Les maisons sont généralement équipées de climatiseurs ainsi que les salles de classes. Entre autres désagréments, ce climat fait prospérer les moustiques, vecteurs du paludisme. Il ne faut pas prendre de traitement antipaludéen préventif à long terme car c’est assez nocif pour l’organisme. Pour se protéger, il faut garder en tête quelques précautions : porter des vêtements à manches longues, des pantalons, installer des moustiquaires de lit et aux fenêtres (les maisons sont généralement équipées). A la moindre fièvre, consulter un médecin qui fera une goutte épaisse pour détecter un éventuel palu. Dans cette région, les systèmes de santé sont plutôt déficients. Les établissements / les ambassades recommandent quelques médecins de ville compétents, mais une évacuation sanitaire est souvent à envisager pour des pathologies plus lourdes. Il est donc indispensable de souscrire une assurance ad hoc (MGEN International, par exemple). On trouve facilement les médicaments en pharmacie, mais certaines pathologies imposent de rapporter les traitements de France.
La question des logements est un autre sujet de préoccupation important. Pour en trouver un aux normes européennes, il faut souvent y mettre le prix. En cas d’affectation, il convient de se rapprocher de l’établissement et/ou de l’amicale du lycée – quand elle existe – pour se positionner sur les appartements des partants ; on est souvent amené à réserver un logement « à l’aveugle », mais une fois sur place, il est possible de changer dans les mois qui suivent. Au Congo et au Gabon, l’ISVL couvre largement le montant du loyer. Le lycée français de Kinshasa (RDC), lui, propose des logements à loyers encadrés, à proximité immédiate de l’établissement. Il est d’usage d’avoir un gardien (de jour et/ou de nuit) dans les maisons individuelles.
Il n’y a pas de problème de sécurité particulier et la délinquance n’est pas pire qu’ailleurs. Cependant, les écarts de revenus avec la population locale étant évidemment importants, il est prudent de ne pas afficher ostensiblement son aisance financière et matérielle. D’une façon générale, le Blanc est vu comme quelqu’un d’aisé et les sollicitations diverses sont fréquentes. Les relations quotidiennes avec la population restent cependant cordiales et souvent chaleureuses.
L’alimentation sera un poste budgétaire important si l’on souhaite manger « comme en France ». Les produits importés sont deux à trois fois plus chers. Il est toutefois possible de s’approvisionner en produits frais sur les marchés locaux, pour un coût modique.
Les transports aériens représentent un autre poste budgétaire important. Si les établissements offrent un billet aller-retour par an à l’enseignant et sa famille, en été, les billets d’avion sont à la charge du collègue s’il souhaite rentrer en France aux vacances intermédiaires. Un minimum de 800 euros par billet (parfois 1200) est à prévoir, notamment aux vacances de Noël. Air France offre le service le plus direct (et le plus cher !), mais il est possible aussi de transiter par le Maroc, par l’Ethiopie ou la Turquie.
En ce qui concerne les déplacements intérieurs, les situations varient d’un pays à l’autre. Au Congo, il est difficile de sortir de Brazzaville et de visiter le pays. Au Gabon, les déplacements à l’intérieur du pays sont plus faciles ; les parcs nationaux sont nombreux où l’on peut observer une multitude d’animaux à l’état sauvage. Il faut toutefois noter que le coût des hébergements dans les gîtes et les hôtels sont très élevés.
Les conditions de travail dans les lycées de Brazzaville et de Libreville sont globalement bonnes. Les établissements sont bien équipés (accès internet, vidéoprojecteurs, tableaux blancs interactifs, climatisation dans les salles). La population scolaire est issue de milieux privilégiés (enfants d’expatriés, de diplomates, de familles binationales, de familles locales appartenant à l’élite politique, intellectuelle, financière). Les élèves sont dans leur très grande majorité gentils, polis et respectueux. Cela crée un climat de travail très confortable. Enfin, le niveau scolaire n’est ni pire ni meilleur que dans les établissements français. Les équipes pédagogiques sont composées d’enseignants expatriés, chargés de missions de formation sur le pays et sur la zone (ils sont de moins en moins nombreux), de collègues résidents, titulaires de l’Education nationale française, et d’une majorité de collègues recrutés locaux, parfois présents dans l’établissement depuis très longtemps. Les services sont généralement répartis entre le collège et le lycée puisque les deux niveaux sont situés sur le même site géographique. À Brazzaville, l’école primaire se situe dans l’enceinte de l’établissement alors qu’à Libreville il n’existe pas d’école primaire AEFE mais des écoles gérées par la Mission Laïque Française qui sont situés en ville et non pas dans l’enceinte de l’établissement.
Les établissements de Brazzaville et de Libreville sont gérés par des associations de parents d’élèves puisqu’ils sont conventionnés. Au quotidien cela ne change rien au travail des enseignants ni à leur évolution de carrière. Le calendrier scolaire est légèrement différent de celui de France. En effet, si les vacances intermédiaires correspondent grosso modo à celles de France, les épreuves du baccalauréat, elles, ont lieu plutôt et sont achevées fin juin.
Pour résumer, postuler en Afrique centrale mérite une réflexion préalable. Il faut être prêt à sacrifier une certaine forme de confort quotidien, être plutôt en bonne santé, être prêt à faire preuve de patience aussi. Même si les Instituts Français de Brazzaville et de Libreville s’efforcent de proposer des programmations intéressantes, il ne faut pas s’attendre à une vie culturelle très riche. Cependant, les conditions de travail, les conditions financières et le plaisir de découvrir des pays qui incarnent la magnificence de l’Afrique, rendent ce projet particulièrement stimulant.
Pour plus de renseignements : snalcmaroc@gmail.com