Miquelon, la problématique de la double insularité
Saint-Pierre et Miquelon :
Après des semaines d’errance du coté de Saint-Pierre de l’île de la Réunion, certains colis postaux atterrissent enfin à Saint-Pierre … et Miquelon. Ici, pas de plages de sable blanc, de cocotiers et de climat tropical ; on est dans l’Atlantique Nord, bien loin de l’Océan Indien.
Cette COM (collectivité d’outre-mer), est un archipel constitué de deux îles principales : Saint-Pierre la petite île (25 km2) qui regroupe la majeure partie des infrastructures et de la population (environ 6000 hab.) et Miquelon la grande île avec ses 216 km2 et ses 600 habitants.
Pourtant tel un étron de diptère sur l’échiquier des établissement français, un nano collège de 22 élèves (toutes classes confondues) subsiste à Miquelon, « annexe » du lycée de l’île de Saint-Pierre situé sur la petite île à 1h30 de bateau.
Professeure agrégée d’EPS en poste sur Miquelon, je me bats depuis 8 ans pour une reconnaissance de l’isolement des personnels en poste à Miquelon.
Ici on est très loin des préoccupations métropolitaines, mais heureusement que l’on peut compter sur le soutien inconditionnel du SNALC DETOM et de l’académie de Normandie (académie de rattachement de Saint-Pierre et Miquelon).
Le SNALC m’accompagne dans mes démarches, mes courriers de demande de prise en compte des conditions particulières d’exercice de ma fonction et dans mes multiples demandes de reconnaissance d’isolement extrême de Miquelon en terme de bonification de points accordés pour une mutation.
Il va s’en dire que mes divers courriers restent lettre morte, l’administration se souciant comme d’une guigne du sort d’un seul individu isolé, en poste dans l’Atlantique Nord, dans un nano collège. De la part des IGEN contactés j’ai obtenu un « bon courage », de la part de la rectrice ou des IA-IPR EPS de l’académie de Normandie …rien. Le signalement sur la plateforme « santé et sécurité au travail » est resté sans effet.
Dans ce collège, la faiblesse des effectifs, loin d’être une aubaine d’un point de vue éducatif, est un fléau : 3 élèves en classe de troisième, 4 élèves en quatrième, …
Des élèves qui se côtoient depuis la maternelle, qui n’ont d’autres choix que de faire avec. Même pas de quoi faire une équipe de basket !
A Mayotte les classes sont bondées, à Miquelon on a des effectifs plus que réduits, alors qu’à St Pierre il y a un internat flambant neuf (qui a couté la bagatelle de 3.76 millions d’euros) de 26 places avec seulement 5 internes. A l’heure de la chasse aux dépenses inutiles, c’est une aberration ! Alors on regroupe tant bien que mal, notamment en EPS, pour avoir un minimum d’émulation, on trouve des stratagèmes. Les collègues au service horaire amputé, sont contraints de se diversifier et de faire d’autres disciplines (EPS/SVT par exemple).
Les échanges avec la « maison mère », le lycée de Saint-Pierre sont rares, les déplacements se font à la journée (9h/19h) avec 1h30 de bateau à l’aller puis au retour.
Les cycles natation relèvent d’un défi organisationnel : déplacements avec une météo pas toujours favorable (mal de mer, annulations car trop de vent, trop de vagues, trop de houle), obtention de créneaux compatibles avec les horaires d’accueil des scolaires ; bref une journée de 10h pour 2X50 minutes dans l’eau.
L’isolement de Miquelon est protéiforme : géographique, culturel, social, numérique, professionnel
Quelques exemples :
– Miquelon dépend en permanence de Saint-Pierre, pour l’ensemble des services de santé, d’approvisionnement, etc.
Le vétérinaire ne passe qu’une fois par semaine à Miquelon, si la météo est favorable. Pour toute sortie de l’archipel il est nécessaire de prévoir au minimum une nuit sur Saint-Pierre, les dessertes aériennes lors des vacances scolaires sont loin d’être suffisantes (exemple : 1 vol de 42 places / semaine sur Montréal pour 6600 habitants) et sont complets jusqu’à 8 mois à l’avance.
– L’offre culturelle se réduit à la petite bibliothèque locale au fond de prêt d’ouvrages d’une grande pauvreté (aucun échange possible avec la bibliothèque de Saint-Pierre malgré mes multiples sollicitations).
– Le tissu social est insulaire et composé pour l’essentiel de foyers ayant des liens de parenté, l’anonymat est inexistant, pourtant les personnes extérieures à l’archipel ne sont absolument pas intégrées au niveau local,
– Un environnement numérique poussif, une imprimante qui a longtemps fait office de photocopieur faute de connexion au réseau, des difficultés de connexion récurrentes…
– sentiment d’oubli et de non reconnaissance des personnels de la part de l’institution.
L’avis du SNALC :
Voilà 8 ans que notre collègue se trouve dans cette prison à ciel ouvert qu’est l’île de Miquelon dans l’attente d’une éventuelle possibilité de mutation dans l’académie de Limoges, lieu de son CIMM.
Actuellement elle compte 320 points, au rythme de gain des points, elle est ici pour encore 10 ans, ce qui est impensable !!!
Le SNALC a demandé à l’administration d’affecter les 1000 points de sa réintégration, à l’académie de Limoges, en reconnaissance de l’isolement de Miquelon.
A suivre …